Время удвоения глубины фаланги гоплитов
Время удвоения глубины фаланги гоплитов
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Название публикации (др.)
Le moment du doublement de la profondeur de la phalange hoplitique
Код статьи
S032103910015214-8-1
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Статья
Статус публикации
Опубликовано
Страницы
44-53
Аннотация

Согласно Асклепиодоту, автору эллинистического времени, написавшему трактат о тактике, в какой-то момент число воинов в лохе (λόχος), базовом подразделении фаланги, было удвоено с 8 до 16 гоплитов, но он не дает датировки этой реформы. На основе анализа источников в статье показано, что данное нововведение следует связывать с состоявшей из тяжеловооруженных воинов союзной армией Аргоса, Афин, Беотии и Коринфа. Решение об этом было принято на военном совете перед сражением при Немее рядом с Коринфом в 394 г. до н.э., которое было, «вероятно, величайшим гоплитским сражением в истории классической Греции» (The Oxford Handbook of Warfare in the Classical World).

Ключевые слова
гоплиты, лох, Немея, фаланга
Классификатор
Получено
25.03.2022
Дата публикации
28.03.2022
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1 Dans la phalange hoplitique, l’escouade (λόχος) comptait à l’origine huit hommes. Mais ultérieurement, selon le tacticien de la basse époque hellénistique Asclépiodote, elle doubla : διπλασιασθέντος δ’ ὕστερον τοῦ λόχου – sans autre précision chronologique (Asclepiodot. II. 9). Quand donc ce doublement s’opéra-t-il ?
2 P. Monceaux avait rapporté qu’à la belle époque de la phalange hoplitique, « les divisions se rangeaient en files l’une à côté de l’autre et formaient la phalange proprement dite, ordinairement profonde de quatre à huit rangs (ζυγά), parfois de douze ou seize, même de vingt-cinq ou cinquante [références] »1. L’examen des sources indiquées par Monceaux2 montre que si, lors de l’Anabase (401 av. J.-C.), Xénophon décrit les Grecs au service de Cyrus s’alignant sur une profondeur de quatre rangs seulement, on peut supposer que cet ordre mince résultait, plus que des conditions particulières de cette campagne, du fait qu’il s’agissait là d’une revue, et ce bien qu’auparavant l’écrivain athénien ait écrit que Cyrus ἐκέλευσε δὲ τοὺς Ἕλληνας ὡς νόμος αὐτοῖς εἰς μάχην οὕτω ταχθῆναι καὶ στῆναι (Anab. I. 2. 15), « Il ordonna aux Grecs de s’aligner et de rester immobiles, comme ils en avaient l’habitude pour le combat »3. En effet, la formation sur huit rangs paraît avoir été de règle, comme on le constate déjà, par exemple, durant la Guerre du Péloponnèse : Ἀθηναῖοι δὲ οἱ μὲν ὁπλῖται ἐπὶ ὀκτὼ πᾶν τὸ στρατόπεδον ἐτάξαντο (Thuc. IV. 94. 1). « Chez les Athéniens, les hoplites s’étaient rangés, pour tout le front, sur huit rangs de profondeur »4. « ᾽Επὶ ὀκτώ » : c’était là, comme l’avait commenté Gomme « the normal Greek, including the Spartan, formation. Cf. v. 68. 3, vi. 67. 1 »5. De fait, cette profondeur sur huit rangs, en dépit du doute que l’on pourrait avoir à la seule considération du passage de l’Anabase de Xénophon que nous venons d’invoquer, se retrouve précisée plus loin dans cette même œuvre (VII. 1. 23).
1. Monceaux 1892, col. 904a.

2. Thuc. IV. 91, 94 ; V. 68 ; VI. 67 ; Xen. Lac. polit. XI. 4 ; Anab. I. 2. 15; VII. 1. 23; Hell. II. 4. 34; III. 2. 16 ; IV. 2. 18 ; VI. 2. 21 ; 4. 12 ; 5. 19 (Monceaux 1892, col. 904, n. 576).

3. Masqueray 1930, 52.

4. De Romilly 1968, 66.

5. Gomme 1956, 564. On trouvait déjà cette affirmation sous la plume des spécialistes allemands du Griechisches Kriegswesen de la fin du XIXe et du début du XXe siècle. Ainsi sous celle de von Domaszewski (1926, 26): « Auch so entsprach die Phalanx (macédonienne, sur 16 rangs, cf. ci-dessous sur ce point. – P. O. J.) der normalen Tiefe in der Aufstellung griechischer Hoplitenheere ».  
3 Il semblerait que ce soit chez ce même Xénophon, mais cette fois-ci dans ses Helléniques, que se trouve la réponse à la question que nous posions en introduction sur la base de l’extrait d’Asclépiodote. En 394 av. J.-C., pendant la deuxième année de la Guerre de Corinthe6, lors des prodromes de la bataille dite du torrent de Némée7 (qui se tint aux abords de la rivière Longopotamos)8, les contingents de la coalition anti-lacédémonienne, ayant effectué leur concentration, διωμολογοῦντο εἰς ὁπόσους δέοι τάττεσθαι πᾶν τὸ στράτευμα, ὅπως μὴ λίαν βαθείας τὰς φάλαγγας ποιούμεναι αἱ πόλεις κύκλωσιν τοῖς πολεμίοις παρέχοιεν – « (...) s’échangeaient des (…) conventions sur la formation à adopter pour l’ensemble de l’armée, afin d’éviter qu’en prenant trop de profondeur les contingents des villes ne se prêtassent à un encerclement » (IV. 2. 13)9. Le résultat de cette nouvelle organisation apparaît plus loin dans le récit, incidemment. Les Béotiens, qui étaient à la place d’honneur, à l’aile droite, πρῶτον μὲν ἀμελήσαντες τοῦ εἰς ἑκκαίδεκα βαθεῖαν παντελῶς ἐποιήσαντο τὴν φάλαγγα (ibid. 18) pour « commencer, négligeant la formation par seize, (…) mirent leur phalange toute en profondeur »10. En somme, cette nouvelle organisation de la phalange sur seize rangs de profondeur, décidée lors de ce conseil de guerre des stratèges de cette coalition (qui réunissait avait tout, au témoignage de Xénophon (ibid.), le gros des infanteries d’Athènes, d’Argos, de Corinthe et des cités béotiennes, Orchomène exceptée), devait avoir conduit, à terme, à ce que le λόχος fût doublé en profondeur11.
6. Sur la guerre de Corinthe, il faudra mentionner l’utile monographie de Fornis 2007, et spécialement, pour le sujet qui nous occupe, la partie « 5. La guerra continental » (p. 36–40).

7. Sur cet engagement, voir spécifiquement Cavaignac 1925, qui visait à démontrer que le nombre de six mille Lacédémoniens stricto sensu donné par Xénophon n’est pas recevable. Plus récemment, signalons les études de Tuplin 1986, 51–52, ainsi que l’étude synthétique de Fornis 2003.

8. Tuplin 1986, 51.

9. Hatzfeld 1936–1939, II, 17. La traduction de Brownson (1918, 287), avait été la suivante : « while they were (…) trying to come to an agreement with one another as to the number of ranks in depth in which the whole army should be drawn up, in order to prevent the states from making their phalanxes too deep and thus giving the enemy a chance of surrounding them ».

10. Hatzfeld 1936–1939, II, 19. La traduction de Brownson (1918, 291), avait été la suivante : « in the first place, disregarding the sixteen-rank formation, they made their phalanx exceedingly deep ». Tuplin (1986, 52), avait commenté la question mais pour examiner (et repousser) le point de vue de Pritchett selon lequel « 4.2.13 at least shows the two infantry forces to be roughly the same size ». Il est en effet curieux que ce dernier ait pu écrire, en se basant sur ce passage-ci, que « Xenophon implies that the forces were nearly equal » (Pritchett 1969, 74), car, comme l’indiquait Hatzfeld (1936–1939, II, 19, n. 1) : « c’est, dans les Helléniques, la seule bataille où Xénophon nous renseigne avec précisions sur l’importance des effectifs engagés ». Du côté lacédémonien, l’infanterie de bataille rangée montait, selon la description de Xénophon, à 13 500 hommes (Xen. Hell. IV. 2. 16). Du côté adverse, les coalisés auraient réuni quelque 24 000 hoplites (ibid. 17). Cavaignac (1925, 275-, avait judicieusement fait remarquer que les données contradictoires livrées en la matière par Diodore (XIV. 82. 10–83. 1), conduisent à penser que l’historien sicéliote, « en résumant Éphore, a interverti les deux chiffres (c’est-à-dire ceux des effectifs des deux camps opposés. – P. O. J.) ».

11. Les raisons de ce doublement furent tant générales que particulières. Du point de vue général, cette réforme s’inscrit dans la question qui valut tant qu’il y eut bataille entre infanteries combattant en ordre serré et de pied ferme, autrement dit le débat entre les vertus de l’ordre profond par rapport à celles de l’ordre mince. En vue du choc, plus de profondeur aurait donné plus de poids aux masses, tout en facilitant les déplacements, puisque le front des unités était alors rétréci. Sans aller trop avant dans l’aspect le plus discuté de la question, à savoir celui des avantages que la profondeur aurait donné en vue du choc, nous invoquerons simplement la critique de cette conception qu’en fit le comte de Guibert dans son Essai général de tactique, au sein du premier chapitre de deuxième partie « II. Tactique de l’infanterie. 1. Ordonnance de l’infanterie, sa formation. Principes qui doivent déterminer l’une et l’autre » (de Guibert 1977, 111). Plus bas, les conceptions du ‘Clausewitz français’ se trouvent exposées de façon plus ramassée et peuvent donc être ici rapportées : « Les avantages de l’ordre en colonne consistent, je le répète, non dans la pression exacte des rangs et des files, mais dans la succession continue d’efforts que font les divisions rangées les unes derrières les autres et se succédant rapidement pour se porter sur un point d’attaque, dont, couvertes par les divisions qui les précèdent, elles n’ont ni vu les obstacles ni presque essuyé les coups », ibid., 131). Quoi qu’il en soit de cette question si discutée, un front réduit faisait en tout cas encourir le risque de se voir enveloppé. « Verstärkung nach der Tiefe bedingt Verkürzung der Front; bei gleichen Kräften hätte der feindliche recht den thebanischen linken Flügel überflügeln, ihn umklammern und in der Front und Flanke zugleich packen können » avait énoncé bien avant nous Delbrück (2003, 175–176) dans le cadre de son examen des réformes d’Épaminondas. L’éminent historien militaire avait, juste à la suite, mis en exergue ce que nous évoquons plus haut, à savoir la question des vertus discutables d’un ordre profond qui, en tout cas, encourait le risque de l’enveloppement : « Ob, wenn das Treffen diese Art verläuft, die tiefere Aufstellung die bessere ist, ist sehr die Frage: hält die feindliche Front stand, bis ihr überschießender Teil die Umfassung ausgeführt hat und die tiefere Kolonne nun zwei Seiten angegriffen wird, so wird diese sich schwerlich behaupten » (ibid., 176).
4 Lors de cette bataille de 394 av. J.-C., il est possible que, peut-être conscients de leur supériorité numérique (la somme de leurs contingents hoplitiques se montait à environ 24 000 hommes, contre 13 500 pour les Lacédémoniens, comme nous l’avons indiqué n. 10), les coalisés aient choisi de jouer la carte de la profondeur. Il est non moins possible que l’espace, sur le terrain, leur eût manqué pour déployer leurs masses – ce qui aurait pu fournir une autre raison de leur ordonnance. Cette raison-ci (un terrain difficile) paraît de fait avoir été invoquée par les contemporains pour expliquer la défaite des coalisés12. Ce jour-là en effet, l’ordre mince l’emporta sur l’ordre profond : les soldats d’élite de l’infanterie lacédémonienne eurent le dessus grâce à des manœuvres enveloppantes, κυκλωσάμενοι selon l’expression de Xénophon (Hell. 21 ; cf. aussi plus haut εἰς κύκλωσιν, ibid. 20).
12. Cf. Delbrück 2003, 165, au sein de ses réflexions sur cette bataille qu’il comptait parmi les « Bemerkenswerte Gefechte dieser Periode » (c’est-à-dire le IVe siècle avant J.-C.).
5 En tout cas, après cette bataille, divers extraits montrent que les formations d’infanterie lourde de moins de seize rangs de profondeur furent considérées comme trop faibles et ne correspondant plus à la norme. Faut-il ici invoquer cet épisode de l’attaque de Corcyre par le navarque spartiate Mnasippos (dans la première moitié de l’année 373 av. J.-C., à ce qu’il semble de l’établissement d’une chronologie qui ne coule pas de source)13 où une unité spartiate, assaillie lors d’une sortie des Corcyréens et rangée sur la profondeur traditionnelle de huit rangs, voulut manœuvrer pour remédier à une formation peut-être trop mince ?
13. Cf. Underhill 1894b, 231; voir aussi 1894a.
6 (…) ἄλλοι δ’ ἐκδραμόντες καθ’ ἑτέρας πύλας ἐπιτίθενται ἁθρόοι τοῖς ἐσχάτοις˙ 21 οἱ δ’ ἐπ’ ὀκτὼ τεταγμένοι ἀσθενὲς νομίσαντες τὸ ἄκρον τῆς φάλαγγος ἔχειν, ἀναστρέφειν ἐπειρῶντο. Ὡς δ’ ἤρξαντο ἐπαναχωρεῖν, κτλ. 
7 (…) d’autres sortent par l’autre porte et tombent en formation serrée sur l’extrêmité (sic) de la ligne de Mnasippos. 21 Les Lacédémoniens, rangés sur une profondeur de huit hommes, estimèrent que l’extrémité du front de bataille était trop faible ; aussi essayèrent-ils une conversion. Mais lorsqu’ils commencèrent à reculer, etc. (Xen. Hell. VI. 2. 20-21)14.
14. Hatzfeld 1936–1939, II, 125–126.
8 Néanmoins, contrairement à ce qu’Hatzfeld suggérait ici, à savoir que la conversion aurait eu pour but d’« aller renforcer l’extrémité menacée »,15 ne faut-il pas plutôt comprendre que l’extrémité de la ligne lacédémonienne recula pour faire face à l’ennemi qui la prenait de flanc, en cherchant à lui faire face par une conversion à 90 degrés d’une partie de la phalange ?  Autrement dit, ne s’agissait-il pas, par un mouvement rétrograde, de se dégager des ennemis qui la débordaient ?
15. Hatzfeld 1936–1939, II, 126, n. 1.
9 Quoi qu’il en soit de cet exemple-ci, le cas lacédémonien n’est pas tout à fait déterminant pour notre propos car, à Sparte, l’organisation de l’énomotie, au IVe siècle av. J.-C., ainsi que le drill de leur infanterie lourde, faisaient que les hoplites de Lacédémone pouvaient, de longue date, faire passer l’escouade qu’était leur énomotie, forte de trente-deux hommes (ultérieurement de trente-six)16, d’une seule file (donc de trente-deux ou trente-six rangs) à un seul rang (donc de trente-deux ou trente-six hoplites), en jouant de toutes les possibilités intermédiaires. « Die Enomotie von 36 oder 32 Mann wird in 1, 2, 4 oder 3, 6 Rotten[17] aufgestellt »18. Un autre extrait des Helléniques, relatif aux opérations spartiates sous les murs d’Athènes en 403 av. J.-C., paraît illustrer cette capacité manœuvrière des hoplites de Lacédémone. Pausanias fut un instant repoussé sur une colline par l’infanterie lourde athénienne organisée par Thrasybule sur la formation traditionnelle de huit rangs. Ἐκεῖ δὲ συνταξάμενος παντελῶς βαθεῖαν τὴν φάλαγγα ἦγεν ἐπὶ τοὺς Ἀθηναίους – « Là, après avoir rassemblé l’infanterie en formation tout à fait profonde, il la mena contre les Athéniens » (Xen. Hell. ΙI. 4. 34)19. Mais les Spartiates n’étaient pas les seuls à pouvoir s’organiser ad hoc sur plus de huit rangs de profondeur. Buckler avait mis en exergue que, dès avant la fameuse phalange de cinquante rangs d’Épaminondas, l’histoire militaire grecque témoigne de deux autres exemples de « deep phalanx ». À Délion, en 424 av. J.-C., « the Athenian drew up their line eight deep, and against them Pagondas (le béotarque. – P. O. J.) in turn ranked the Theban hoplites on his right twenty-five deep »20. Lors de l’expédition de Sicile, en 415 av. J.-C., pour semble-t-il compenser leur inexpérience, les Syracusains, face aux Athéniens qui leur offraient la bataille, se rangèrent sur seize rangs – sans succès. Avant Buckler, Hanson avait touché à cette question particulière dans son examen de la supposée « révolution » militaire du fameux général thébain21. Il avait particulièrement fait fond sur le onzième chapitre du premier volume de la somme de Pritchett, The Greek State at War22, au sein duquel un tableau très utile23 donnait, semble-t-il de façon exhaustive, toutes les attestations, chiffres à l’appui, des diverses profondeurs de la phalange de 471 à 190 av. J.-C. – ce qui conduit à ajouter aux exemples ci-dessus une exceptionnelle formation sur cinquante rangs ordonnée par le stratège athénien Kritias lors de sa descente d’Athènes sur le Pirée, occupé par la contre-révolution démocratique menée par Thrasybule, évènement que nous avons mentionné plus haut (Xen. Hell. ΙI. 4. 11).
16. Sur ce sujet, cf. Sekunda 1998, 14–15. Selon ce que le savant polonais exposait là, l’énomotie de 36 hoplites est attestée pour la première fois en 403 avant J.-C.

17. Il n’y a pas de doute que par « Rotten », Kromayer comprenait bien ‘files’ – ce qui ne coule pas de source car en allemand contemporain, le terme peut signifier, dans le domaine militaire, un ‘peloton’, ou un ‘groupe’ (par exemple dans l’aviation militaire). Mais dans le vocabulaire militaire classique, c’est-à-dire dans celui où les batailles opposaient encore, jusque dans le courant du XIXe siècle, des troupes en ordre serré (et spécialement, comme dans l’Antiquité, des fantassins qui, en ligne, combattaient en masse, au coude à coude), le terme signifiait sans ambiguïté la ‘file’ : « Rotte, ist ein Ganzes von mehreren hinter einander stehenden Leuten, welche daher in allen Füllen von einander unzertrennlich sind ; selbst beim zerstreuten Gefecht sind die beiden Mann einer Rotte die Sekündanten einer des Andern, und dürfen sich daher nicht von einander entfernen. In so viel Glieder eine Truppenabtheilung aufgestellt ist, aus so viel Mann besteht auch eine Rotte » (Rumpf 1827, 272); « Rotte, die bei der Truppe hinter einander stehenden Mannschaften mehrerer Glieder » (Hartmann 1896, s.v., 743); « Rotte, f. (tact.) – Rot, n. File, f. File » (Landolt 1865, s.v., 184 ; les termes sont ici donnés, respectivement, en allemand, néerlandais, français et anglais).

18. J. Kromayer dans Kromayer, Veith 1928, 79, avec pour références n. 4 : « Resp. Lac. 11, 4 : καθίστανται τότε μὲν εἰς [ἔνα αἱ] ἐνωμοτίαι τοτὲ δὲ εἰς τρεῖς, τοτὲ δὲ εἰς ἕξ. Kyrop. II 3, 21 ». Néanmoins, les corrections indiquées dans ce passage de La République des Lacédémoniens, qui conduisent à cette conception d’une énomotie de 32 ou de 36 soldats pouvant être rangée en une, deux, trois, quatre voire six files (et donc sur un à trente-six rangs en passant par toutes les combinaisons possibles pour une escouade de 32 ou 36 hoplites), sont erronées, comme, à notre avis, Lipka (2002, 195), l’a mis en exergue : « As to content it would not be clear why the hoplites could be deployed only in three or six files (pour donc, seulement dans ce cas de figure, les formations à escouades de 36 hommes alors respectivement rangées sur douze ou sur six rangs. – P. O. J.), since the ordinary depth of a phalanx was eight ». Le philologue avait proposé une autre leçon de ce passage de Xénophon, bien plus séduisante non seulement du point de vue historique mais avant tout du point de vue philologique (car elle réduit la correction apportée au texte). Elle permet en effet de sortir de la difficulté : τοτὲ μὲν εἰς ἐνωμοτίας, τοτὲ δὲ εἰς τρεῖς, τοτὲ δὲ εἰς ἕξ. Il faudrait alors comprendre, ce qui est certes bien plus cohérent par rapport aux profondeurs régulières de la phalange hoplitique, que « the army is imagined as forming a column from any formation of morai (ἐκ δὲ τούτων τῶν μορῶν), while either one enomoty was deployed behind the other (εἰς ἐνωμοτίας, cf. the march ἐπὶ κέρως at 11.8), i.e. the column consisted of one file of enomoties, or three or six enomoties were placed next to each other (τοτὲ δὲ εἰς τρεῖς, τοτὲ δὲ εἰς ἕξ), i.e. the column consisted of three or six files of enomoties » (ibid.). D’un autre côté, des « Rotten » consistant en trois ou six hommes rangés de front auraient donc donné, sur la base d’une énomotie de trente-six soldats uniquement (puisque trente-deux n’est pas un multiple de trois), une profondeur de douze hoplites dans le premier cas, de six dans le second. Or, la première de ces deux profondeurs correspond bien à celle indiquée par Xénophon pour l’infanterie spartiate à Leuctres (voir ci-dessous et spécialement à l’appel de notre n. 24). Faisons en tout cas ici enfin remarquer que l’énomotie, sous la plume du tacticien de l’époque hellénistique Asclépiodote (II. 2), était le nom du quart de l’escouade (λόχος) une fois que celle-ci fut portée à douze ou seize hommes – autrement dit dès le début du IVe siècle avant J.-C. et cette réforme que nous mettons ici en exergue.

19. Hatzfeld 1936–1939, I, 105–106.

20. Buckler 2013, 664.

21. Hanson 1988, 192–193.

22. « The depth of the phalanx », Pritchett 1971 = 1974, 134–143.

23. Pritchett 1971 = 1974, Tabl. 4, 135.
10 En tout cas, si dès avant le IVe siècle on avait vu sur les champs de bataille de la Grèce classique des formations plus profondément organisées que sur huit rangs et si, plus particulièrement, les capacités manœuvrières des formations hoplitiques spartiates pouvaient avoir donné l’exemple de phalanges plus profondes que celles traditionnellement rangées sur ces huit rangs, il se dégage des sources que dès le premier quart du IVe siècle cette formation-ci était devenue obsolète. Lors de la bataille de Leuctres, alors que les Thébains s’étaient mis sur cinquante rangs, les Lacédémoniens, avaient disposé les énomoties par trois hommes de front : τοῦτο δὲ συμβαίνειν αὐτοῖς οὐ πλέον ἢ εἰς δώδεκα τὸ βάθος (ibid. VI. 4. 12), « ce qui ne leur donnait pas plus de douze hommes en profondeur »24. Cette expression ne sous-entend-elle pas que cette profondeur était insuffisante, trop faible ? Le tableau publié par Pritchett, mentionné ci-dessus, montre qu’à partir de l’année de Leuctres, sur neuf attestations, deux seulement indiquent des formations qui auraient été à huit rangs de profondeur. Mais la première, relative à la bataille d’Issos (Polyb. XII. 19. 6), relève de la longue critique polybienne des incohérences du récit de Callisthène25 où, plus loin (ibid. 9), l’écrivain achaïen suggérait que la formation de bataille macédonienne avait été, en fait, rangée là sur seize rangs, ce qui certes, à la considération du passage de l’Ἀνάβασις Ἀλεξάνδρου d’Arrien (VII. 23. 3–4), nous paraît assuré. Quant à la seconde, qui concerne Cynocéphales, elle est fondée sur une remarque critique de Droysen dont les arguments, à notre avis et quoi qu’en ait pensé Pritchett, ne viennent guère remettre en cause les informations explicites livrées tant par Arrien et Polybe ou, encore, par les tacticiens26.
24. Hatzfeld 1936–1939, II, 140.

25. Néanmoins Walbank (1967, 373), avait souligné, après Kromayer, que cette critique portait à faux.

26. Discussion et références par Pritchett 1971 = 1974, 138–139.
11 En somme, nous croyons qu’il se dégage des sources que ce fut lors du conseil de guerre de la coalition anti-lacédémonienne de 394 av. J.-C., avant l’affrontement de la rivière de Némée (ou Longopotamos), qui fut « perhaps (the) greatest hoplite battle of classical Greece »27, que l’on instaura, comme norme, le doublement de la profondeur de la phalange. Ceci fut décidé par et pour les formations hoplitiques des cités d’Athènes, de Béotie, d’Argos et de Corinthe. C’est donc vraisemblablement à cet épisode que faisait référence Asclépiodote28. Et que ce fut sans doute également sur ce modèle que Philippe II organisa ladite ‘phalange macédonienne’, elle aussi formée sur seize rangs de profondeur29. Aussi, si les doutes exprimés par Pritchett30, à la suite des interrogations des savants allemands de la vieille école (notamment H. Droysen)31 paraissent, comme nous l’avons vu, mal fondés, seule Sparte semble être restée en dehors de cette réforme, du moins au IVe siècle et du fait de l’organisation de l’énomotie sur une base passée de trente-deux à trente-six soldats.
27. Chronology 2013, xviii.

28. On peut donc tenir pour vraisemblable que la bataille du torrent de Némée (ou, plutôt, donc, de Longopotamos) fut une borne importante de l’organisation tactique des armées grecques. Après Anderson et Lazenby, Fornis avait souligné que cet affrontement avait vu des innovations dans l’art de la manœuvre des phalanges (Fornis 2003, 150).

29. C’est ce qu’avait dégagé de longue date Röder von Diersburg (1920, 59) : « Als kleinste Einheit der typisch Makedonischen Gliederung nennt Anaximenes die δεκάς. Sie ist die normale Rotte, die nach Arrian und Callisthenes schon zu Alexanders Zeit sechzehn Mann tief stand ». Röder von Diersburg marchait là dans les pas des maîtres allemands de la génération précédente : « Die ungeheure Wucht des Stoßes des Sarissen-Phalanx wurde noch dadurch erhöht (...) reglementsmäßig 16 Mann tief aufgestellet wurde » (Delbrück 2003, 6. Buch. 1. Kapitel. « Römer und Macedonier », 470). Cette conception se lit aussi chez Lammert E., Lammert F. 1921, 477. Aux sources mentionnées dans cette citation de Röder von Diersburg (n. 4 : « Anaxim. F7 Müller »; n. 5 : « Arr. An. VII. 23, 3 sq. »; n. 6 : « Callisth. F33 Müller 1.1 »), on ajoutera un autre témoignage qui indique que la phalange, dès les Argéades, était organisée sur seize rangs de profondeur. Il s’agit d’un extrait de la Sylloge tacticorum byzantine, recueil qu’avait édité Dain (1938, 53) : 32. Παρατάξεις πεζῶν κατ’ αὐτούς. Τῶν πεζικῶν ταγμάτων ἕκαστον ἐξ ἀνδρῶν ἦν τετρακισχιλίων ἐννενηκονταὲξ συνιστάμενον, ὁπλιτῶν ἁπάντων καὶ ἀσπιδηφόρων· εἶχε δὲ ὀρδίνους τὸ τάγμα δεκαέξ· ὁ δὲ ὄρδινος ἐξ ἀνδρῶν ἦν διακοσίων πεντηκονταέξ – « Ordonnances (ou arrangements, ‘Schlachtordnungen’) des fantassins selon ceux-ci. Chaque unité d’infanterie réunissant 4096 hommes, tous les hoplites portant l’aspis : l’unité avait 16 rangs, l’ordonnance étant de 256 hommes ». N.B. « Ceux-ci » désigne les Macédoniens et autres Grecs, comme l’indique plus haut le titre du chapitre relatif à l’armement : 30. Ὁπλισμὸς πεζῶν κατὰ Μακεδόνας τοὺς περὶ Φίλιππον καὶ Ἀλέξανδρον καὶ τοὺς λοιποὺς Ἕλληνας (Dain 1938, 51).

30. Pritchett 1971 = 1974, 138.

31. « Seit wann 16 Glieder die Tiefe der Gefechtsstellung gewesen sind, wissen wir nicht » (Droysen 1889, 172, n. 2).

Библиография

1. Apostolides, E.A. 1914: Greek Lexicon of the Roman and Byzantine Periods (From B.C. 146 to A.D. 1100). Cambridge (MA)–Leipzig.

2. Brownson, C.L. (ed.) 1918: Xenophon. Hellenica, Books I–IV. (The Loeb Classical Library, 88). London–New York.

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